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Monsieur Roman
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23 avril 2012

Écrire

Maurice Roman n’est pas très régulier dans son écriture aussi je ne sais jamais d’avance quand je vais pouvoir publier ses textes. Pluie, fatigue, légère dépression de celui qui, se sentant arriver au bout d’une longue marche, regarde en arrière et mesure avec regret tout ce qu’il a parcouru, certains jours il n’écrit rien. Écrire tous les jours, quoi qu'il arrive, une page au lever, au coucher, lui est une tâche impossible. Il ne sait pas s’adonner à l'écriture comme à une discipline de vie. Et, quand il écrit, ce sont généralement des fragments dont les liens ne sont pas toujours évidents. Pourtant, il avoue que sa vie n'est plus que l'aventure d'un homme dans l'univers des livres. Il est souvent rongé par le doute: en quoi sa vie pourrait-elle intéresser qui que ce soit, comment, à quoi bon, la rapporter à moins de parvenir, d'un cas particulier, à faire une image de l'universel dans une époque où, écrit-il quelque part, commerce et consommation mis à part, il est difficile de déterminer ce qui représente l’universel, si ce n’est ces prétendus « droits de l’homme » que personne ne respecte. Les souvenirs n'ont de saveur que lorsque, soutenus par la force du présent ils en rehaussent les saveurs, car sinon ils nous intoxiquent. Difficile pour lui de se concentrer sur cet essentiel que serait l’écriture, creuser ses souvenirs jusqu’à l’os, n’en conserver que ce qui serait susceptible de parler à tous, d’autant plus qu’il ignore ce que devrait être cet essentiel. Il aurait tant aimé parler de tout, de toutes ces familles paysannes qui ont fait son enfance, de chacun des soixante seize habitants avec lesquels il a partagé les dix premières années de sa vie et qui, pour une grande part, l’ont fait ce qu’il est. Mais ces récits, par leur aspect trop historique ou sociologique, l’écarteraient de la littérature. Sa vie n’est pas une histoire policière, sans intrigue ni conclusion, elle n’est faite que de péripéties qui n’exigent aucun ordre.

Comme si un cercle devait se refermer, la vieillesse renvoie souvent à l’enfance : plus il avance en âge, plus les premières années de sa vie obsèdent sa mémoire et le film de faits dont il ignorait se souvenir se projette en lui avec une précision étonnante. Il n’ignore pas, bien sûr, que la plupart des explications qu’il donne, pour décrire le comportement, la façon d’être, de tel ou tel de ses personnages, soit hasardeuses et que le lecteur pourrait, de lui-même, les imaginer ou en trouver d’autres tout aussi plausibles, mais écrire n’est-ce pas aussi prendre quelques risques ? Dans ce récit, il divague, va où ses pensées le portent. Il ne parvient pas cependant à se convaincre Que cette divagation de l’écriture soit la meilleure représentation de la structure de ma vie qu’elle n’en soit qu’une incompétence à se décider à choisir. Écrire c’est faire des choix, choisir de ne pas choisir est une faiblesse.

Vieillissant, établissant sa vie dans des manies qui la structurent mais aussi l'enferment, il dit devenir obsessionnel. Son quotidien est toujours le même: quand il ne pleut pas, promenade autour du village; passage au café du commerce; visite de quelque bouquinistes plus ou moins amis car les amitiés de vieillard n’ont plus la fougue et l’exclusivité de celle des hommes jeunes; repas de midi sans vin; lecture parfois durant une de ses promenades dans un coin agréable; séquence nostalgie dans la visite de son grenier où il se donne comme but jamais vraiment réalisé de trier l'amoncellement d'objets, de photos, de livres, de souvenirs de toutes sortes pour préparer l’abandon de sa maison, au cas où…; repas du soir avec vin et parfois cognac; écriture de sa vie; lecture au lit pour essayer de plus ne plus difficilement de m'endormir. Rien de plus.

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