Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Monsieur Roman
Monsieur Roman
Visiteurs
Depuis la création 2 891
30 avril 2012

Un amour de village

Dès son venue au village, Lucien Roman le futur père de Maurice, fut le centre d’intérêt de tous les habitants. Instituteur. C’était alors un petit notable, ni par son argent comme le notaire ou le plus gros propriétaire de la commune, ni comme intercesseur envers une force immanente redoutée comme le curé ou l’évêque, cet espèce de roi que personne n’avait jamais vu, mais par le savoir et l’intelligence. Et pour ces paysans dont la plupart savaient à peine lire et écrire, il représentait l’esprit, l’intellect — un terme que bien sûr ils ignoraient — ce qui lui valait un respect à la fois révérencieux et proche. C’était à la fois un homme comme eux, qui vivait parmi eux, dont la vie quotidienne différait si peu de la leur, mais qui en même temps leur apportait cette ouverture sur le monde qui les faisait rêver.

La mère de Maurice Roman, Marguerite Mazel avait alors un tout petit peu plus de 19 ans. Elle était, paraît-il, la plus belle des filles de La Roche, et sa beauté connue dans tout le canton. Peut-être même dans les cantons voisins. Alors même qu’à cause de la guerre, les filles étaient beaucoup plus nombreuses que les garçons, plusieurs soupirants la poursuivaient en vain et, dans les fêtes de villages où elle avait l’occasion d’aller, Marguerite, bien que très entourée, repoussait toute tentative de séduction. Le village était si petit, elle connaissait bien l’instituteur qui, de plus, toutes les trois semaines, le lundi soir, mangeait dans sa famille. Aussi ne pouvait-elle s’empêcher de regarder le « maître » avec une certaine admiration. Elle en devint vite secrètement amoureuse n’osant imaginer qu’un homme comme lui pourrait s’intéresser à elle.

D’autant que, de son côté, Lucien Roman était un peu la coqueluche des jeunes filles en âge de se marier: jeune, fonctionnaire, instituteur, célibataire, aimant La Roche, rescapé intact de la guerre, toutes lui souriaient et tentaient plus ou moins de le séduire. Aucune cependant ne croyait vraiment y parvenir tant il leur semblait inaccessible. Elles avaient raison, aux yeux de Lucien Roman, aucune n’avait le charme de Marguerite. Ce qui lui plaisait peut-être avant tout en elle, c’était sa vivacité d’esprit. Marguerite avait de l’humour et de l’intelligence, il arrivait ainsi assez souvent que Lucien s’attarde à bavarder avec elle lorsqu’il la rencontrait auprès de la fontaine, au bord du ruisseau ou, près de la cheminée, quand il dînait chez ses parents. Il ne pensait pas encore être amoureux, dit-il un jour à son fils, mais, jusqu’où aller dans les précisions, comment savoir à quel moment un amour commence, quels sont les gestes, les mots, les regards qui en décident. Les coups de foudre sont si rares or Lucien Roman était un homme pondéré chez qui, il en était persuadé, la raison avait toujours le dernier mot.

Publicité
Commentaires
Publicité
Monsieur Roman
Archives
Derniers commentaires
Publicité