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Monsieur Roman
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1 juin 2012

Maurice Roman et l'écriture

J’aime Maurice Roman parce qu’il est seul, se veut seul, ne cherche ni la flagornerie, ni la complaisance, il écrit. En dehors de modes. En dehors d’une quémande éditoriale. En dehors de la recherche effrénée d’un public. Il écrit. Pour lui, peut-être pour réunir ce qui l’a fait, certainement pour continuer à vivre. Je ne sais pas si un écrivain se définit ainsi, dans cette solitude absolue de l’écriture, dans l’enfermement de la vie par l’imaginaire qu’elle entraine mais c’est ainsi. N’attendant plus rien de la vie qui l’entoure, il se construit un univers qui n’appartient plus qu’à lui et dont il peut s’imaginer le souverain se donnant les lois qui lui conviennent sans s’obliger à respecter celles qui lui sont extérieures. « J'ai décidé d'écrire ma vie dans le désordre, comme les souvenirs me viennent. Après tout personne ne s'en soucie. Rapporter ma vie dans un ordre chronologique est voué à l’échec : trop de souvenirs me reviennent en mémoire chaque fois que j’essaie de rapporter tel fait ou tel événement. Je vais donc me laisser porter par l’écriture elle-même. Marc Hodges, s’il le souhaite, s’en arrangera» dit-il en effet dans une de ses notes. Dès lors la question qui taraude tant d’écrivants — pourquoi, pour qui, écrire ? — ne l’interroge pas. Il écrit pour continuer à vivre. Cette « occupation », est seule à le rattacher encore à quelque chose. Mais ce n’est pas une attitude désespérée, nulle lamentation dans ses notes, écrire est son état de fait. Sa tête est pleine de revenants, ou plutôt de fantômes, fragments de phrases, de dialogues, images, fragments d’images, fragments de films, qui, à l’improviste, sans queue ni tête, qu’il soit éveillé ou assoupi, traversent son cerveau sans qu’il soit capable de décider s’il s’agit de fantasmes, de récits en construction ou de souvenirs. Il vit ainsi à la fois dans deux mondes, celui dit réel qui tend à perdre, chaque minute, de sa solidité, et celui virtuel ou imaginaire qui, lentement, comme pour l’accompagner vers autre chose, impose son flou et ses indécisions. Plus qu’un mode de survie, écrire est devenu sa respiration, ses battements cardiaques, le bruit de ses viscères, il est ce qu’il écrit. Pas étonnât dès lors qu’il ne sache plus parfois s’il rapporte des faits réels ou s’il s’invente des fragments d’un passé plausible. Sa mémoire est, à la fois, souvenir et imagination. Se réfugier dans le passé pour ne pas parler du présent, parler de faits anodins pour éviter d’aborder les difficultés des événements essentiels. Il prend conscience de cela, persiste même à rapporter des épisodes qu’il ne peut avoir vécu, épisodes d’avant sa naissance pour éluder ce qu’il devrait en fait relater de sa vie ? Il s’invente une mémoire, persiste à penser que la connaissance de ces moments, dont il imagine qu’ils ont fait de lui ce qu’il est, est nécessaire pour comprendre que rien ne le prédestinait à la vie aventureuse dont il annonce qu’elle fut la sienne.

La mémoire, le fonctionnement de la mémoire, l’oubli, l’invention de l’oubli, la construction de la mémoire vont ainsi devenir pour lui des thèmes essentiels.

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