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Monsieur Roman
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17 juillet 2012

Comment ne pas trahir Maurice Roman

J’ai parfois quelque mal à me retrouver dans les notes que m’envoie Maurice Roman qui mêle, sans distinction, réflexions sur son écriture, récits de sa vie présente et autobiographie. Ainsi ce paragraphe suivant est le produit de quatre de ses notes: «Je me rends bien compte que j’écris comme on écrivait avant-guerre cherchant une écriture souple, discrète, fluide, ne prenant pas le lecteur en otage quand la plupart des jeunes auteurs d’aujourd’hui recherchent le contraire ne mettant l’écriture qu’au service d’elle-même; je la veux toute au service du récit qu’elle porte. Je suis donc hors circuit. C’est le privilège et le drame de l’âge. Tout comme les chansons que je propose, tout chez moi est hors d'âge pourtant, tous les jours, grâce ces technologies nouvelles, je m'émerveille de pouvoir encore intervenir hors de l'espace clos de ma chambre. J’écris, je n’écris pas, c’est selon: je ne parviens pas à m’imposer cette discipline qui, paraît-il, fait l’écrivain, écrire au moins une page chaque jour, qui mieux est encore, à heure fixe. Réveillé en sursaut par le rêve d'une femme que j'ai aimée autrefois et que je croyais oubliée, je me suis levé à cinq heures. Depuis je traîne dans la maison sans aucune envie précise: ce rêve m'obsède. Qu'en conclure sur l'amour, le désir, la mémoire des corps et des odeurs? Dans mon jardin, mes merles ont commencé à siffler l'arrivée de l'aube. Le jour n’est pas encore levé, mais ils viennent juste de cesser de siffler, le ciel doit être couvert ce qui retarde un peu les caracoulements des tourterelles; bientôt ce sera le coq du voisin puis les aboiements des chiens aux premiers passages des rares travailleurs du village; puis peut-être une voiture quoique on entre là dans un domaine plus aléatoire… seuls animaux eux savent avoir cette discipline des rythmes quotidiens que je ne sais pas m’imposer.»

Ces quatre note s’intertissent avec la suite du récit du mariage de son père sans que je puisse bien comprendre pourquoi: «Le prêtre avec lequel mon père choisit de se confesser s’appelait le Père Boutoul, c’était un jeune prêtre, venu de Valras, village de pêcheurs du Languedoc, qui avait à peu près son âge et, dans la guerre, avait été aumônier aux armées. De tous les prêtres du canton, c’était le seul avec lequel, dans les rares circonstances où la vie les amenait à se rencontrer, j’ai constaté qu’il discutait volontiers car, disait mon père, s’était entre eux établie une sorte de complicité due aux souffrances et aux horreurs que, bien que ne s’étant jamais rencontrés sur le champ de bataille, ils avaient connus ensemble. Des frères d’armes: frères de désenchantement et d’amertume mais aussi de respect et d’estime réciproques, qui les rapprochant nourrissait des sentiments ambivalents entre la sympathie, la camaraderie et le reproche. Ce père Boutoul avait été, comme l’on disait alors, «fait prêtre». Sa prêtrise n’était en rien le résultat d’une vocation — sur ce plan là, celle, laïque de mon père était peut-être plus authentique — mais celui de la charité intéressée d’une riche veuve qui, puisque l’on ne pouvait plus s’acheter des indulgences plénières et n’ayant pas trop confiance en la seule qualité des ânonnements de chapelets même dans une cathédrale, pour s’assurer une place au paradis, investissait sur l’éternité en offrant un prêtre à l’église choisissant pour cela, très jeune, presqu’à la naissance, un enfant intelligent de milieu pauvre pour lui payer ses études à condition toutefois qu’il passe par le petit et le grand séminaire et s’engage dans la voie de la prêtrise.»

Espérant cependant que les lecteurs suivent, je fais de mon mieux.

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