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Monsieur Roman
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24 mars 2013

roman d'une autobiographie

Maurice Roman a une curieuse façon de construire ses récits. tantôt il reste dans la chronologie stricte et, s’engluant dans le souvenir, nous rapporte l’un après l’autre quelques uns des événements qui ont marqué son enfance ou sa vie ; tantôt il écrit de longues digressions sur l’écriture : « plus j’écris, plus je sens en moi un désir d’écriture autre mais je ne parviens pas à bien définir ce que pourrait être cet autre. Je sens un vrai manque d’adéquation entre mon désir et mes productions. Changer… mais comment, vers où aller ? Le fait que Marc Hodges réécrive mes notes pour en faire des pages, d’une part en faisant comme si je les avais écrites moi-même, d’autre part en les présentant comme son récit et ses commentaires personnels, n’est sûrement pas étranger à cet état d’esprit : dans ces deux cas je vois mon écriture de l’extérieur me rendant bien compte de la distance dans laquelle je m’égare. Écrire m’est une attitude religieuse: je dois sans cesse faire mon examen de conscience et me demande quand, comment, finir cette autobiographie puisque je ne peux l'écrire qu'en restant en vie. Faut-il que je décide de mettre un point final au texte en même temps qu'à mon existence ? » ; tantôt il revient au présent de sa vieillesse actuelle, nous décrivant, par exemple, ses relations avec son neveu Ronald : «Ronald me reproche de parler trop souvent de ma mort ce qui, dit-il fait très vieillard. Ces remarques m’amusent : je n’ai pas besoin de «faire» vieillard car je suis réellement un vieil homme. J’ai essayé de lui expliquer qu’en fait, parlant de la mort, je suis dans une sorte de dissociation cognitive. Je sais, comme nous le savons tous, que je vais mourir, mais je ne le crois pas, je ne le sens ni dans ma chair ni dans ma tête. J’ai en effet l’impression d’avoir toujours vécu, comme s’il n’y avait pas eu ma naissance ce 31 décembre 1922. Dès que je me pense, je me pense vivant, plus exactement je ne parviens pas à m’imaginer mort. Je suis vie, le reste n’est que philosophie ou, pire, vocabulaire et tant que je peux écrire, tant que je peux creuser dans mes souvenirs, reconstruire sur le papier ma vie, je suis du côté de la vie.» Son autobiographie est une autobiographie, il écrit ce qu’il est au moment où il l’est et, dans ce contexte, ses rêves les plus récents ont autant d’importance que les sentiments ou les sensations d’autrefois qui remontent à sa conscience: «Qu’y a-t-il de vrai dans ce rêve ou, simplement, de possible ou de plausible ? Je ne sais. Pourtant, réalité ou fiction, il m’a remis en mémoire le petit Robert Bonnal qui, bien qu’ayant deux ans de plus que moi, était dans la même classe que moi. Même si, la notion de classe dans cette école de campagne à classe unique ait été des plus relatives. Ainsi le fantasme recrée la mémoire ou, du moins, fait penser vrai, ce qui, sans preuves, n’est peut-être au fond qu’une fiction. D’autres rêves que celui que je viens de vous raconter ont accompagné mes réveils ces temps-ci mais les rapporter tous, sans aucun doute, lasserait le peu de lecteurs que j’ai. Je m’en tiendrai donc là.»
Son livre est un puzzle, celui de sa pensée et c’est en cela qu’il peut atteindre à l’universel car aucun homme n’est jamais soumis à une pensée linéaire mais, au contraire, se prend les pieds dans le tapis des associations dont les motifs s’entremêlent sans cesse. Son « roman » n’est pas le récit somme toute assez conventionnel, même s’il est assez bien écrit, d’une vie d’homme mais une tentative de faire prolonger, au risque de l’égarement de son lecteur, une pensée toujours vivante mais qui se sait aux limites de sa propre disparition. C’est en cela qu’il m’intéresse et me provoque.

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