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Monsieur Roman
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15 mai 2012

Marguerite et Lucien Roman

J'ai toujours cru que mes innombrables lectures devaient servir à quelque chose: j'en suis moins sûr. Même pas à vivre… à passer le temps sans aucun doute, mais ne passe-t-il pas assez vite de lui-même ? Pourtant cette vie de Maurice Roman que je rapporte ici me touche et m’importe sans que je comprenne vraiment pourquoi, sans parvenir à discerner si c’est ce personnage de vieillard  — que pourtant je ne connais pas — qui me touche ou ce qu’il dit être sa vie qu’il dit obsessionnelle, l’établissant dans des manies qui la structureraient mais aussi l'enferment. Chaque jour : promenade autour du village quand il ne pleut pas; passage au café du commerce; visite de quelque bouquinistes amis; repas de midi sans vin; lecture parfois durant une de ses promenades dans un coin agréable; séquence nostalgie pendant la visite de son grenier où il essaierait de trier l'amoncellement d'objets, de livres, de souvenirs de toutes sortes pour préparer son abandon de ma maison, au cas où, hanté par cette présence d’une mort qu’il évoque souvent…; repas du soir avec vin et parfois… cognac; écriture de ses mémoires; lecture au lit pour essayer de s'endormir.. Qu’importe, je me suis engagé et je tiendrai mon engagement où qu’il me conduise.

Son père, dit-il, était un grand lecteur. Il faut dire que dans le cul de sac de son village, il n’y avait certainement pas beaucoup d’autres distractions. Il s’était donc abonné à toutes sortes de journaux et de revues qu’il conservait soigneusement et qui se trouveraient encore en la possession de Maurice Roman. De plus le petit bourgeois de Carmaux, médecin philanthrope sans enfant mais de famille ancienne qui l’avait soutenu dans son adolescence, était aussi un passionné de lecture et, à sa mort en 1924, lui aurait légué sa bibliothèque familiale. Rien de tout cela ne se serait jamais perdu, tout se retrouverait encore dans le grenier de Maurice Roman qui, de son côté, aurait acheté, toute sa vie, des livres.

Chaque souvenir qu’il essaie de mettre en forme en appelle d’autres. Son récit se trouve pris dans un réseau serré de lien que j’ai beaucoup de mal à démêler les uns après les autres. Penser à son père, l’amène ainsi à la figure de sa mère : «si j’en juge par la seule photo d’elle qui date d’alentour ma naissance (elle est datée au dos 1925), ma mère avait à 24 ans un visage ovale, plutôt plein aux joues non pas rebondies mais fermes, sa bouche, aux lèvres plutôt fines même si, sur la photographie, un rouge à lèvre trop appuyé donne une impression de chair sans sensualité excessive. Une peau de jeune paysanne pas très fine et un très léger duvet de petits poils blonds sur la lèvre supérieure. Coiffure banale de fille de la campagne soulignant, par le dégagement du front, son aspect oblong. Elle était plutôt fraîche que jolie sans rien de remarquable, son nez légèrement épaté manquait un peu de grâce et ses yeux vifs et noirs étaient cependant un peu trop petits. Mais elle avait un beau sourire et c’était ma mère. »

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