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Monsieur Roman
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8 avril 2012

Un instituteur à La Roche

C’est une grande naïveté, pour Maurice Roman de croire que sa vie peut intéresser qui que ce soit d’autre que lui. Il ne l’ignore pas mais, à l’âge que, en dépit des épreuves et des erreurs, il a fini par atteindre, il ne lui reste plus guère que le passé et il éprouve le besoin de faire le point sur toutes ces années passées avec l’illusion que son expérience peut présenter quelque intérêt. Mais si nombreux sont ceux qui ont dit ça avant lui, si nombreuses sont les confessions ou biographies sans intérêt que nous avons pu lire… Chacun de nous se croit unique et s’imagine que l’histoire de sa vie peut partiellement fêler la coquille dans laquelle il s’enferme pour vivre. Littérature. Comme ses nombreux prédécesseurs, il veut cependant croire encore que la maladresse de ses textes et surtout leur sincérité totale sauront toucher en quelques lecteurs leur reste de curiosité pour ceux de leur espèce.

Pour commencer, il prétend qu’il ne peut parler de sa vie sans remonter à ses origines: son père et sa mère, au delà de la simple biologie, auraient fait de lui ce qu’il est. Rien de bien original dans cette affirmation si ce n’est qu’il prétend qu’ils ont, sans le savoir, influé sur toute la trajectoire de sa vie. Ainsi :

Lorsqu’à la fin de la guerre son père demanda à être nommé dans un misérable village retiré de Lozère, la situation humaine y était très particulière : il n’y avait dans les villages presque plus d’hommes jeunes. La guerre avait fait son œuvre macabre. Habitués à subir et obéir, les jeunes paysans de Lozère constituaient de parfaites troupes de premières lignes, ils avaient été ainsi massacrés en si grand nombre que des villages entiers, le reste de leur population n’étant composée que d’enfants et de vieillards, ne reposaient plus que sur les femmes. Nombre d’entre eux sont alors devenus des villages morts, terres en jachères, abandonnés aux herbes sauvages et aux animaux errants. La nature est rude en Lozère et reprend vite ses droits mais ce n’était pas cependant tout à fait le cas de La Roche.

Arrivé au village, son père fut immédiatement le centre d’intérêt de tous ses habitants : l’instituteur était à la fois un homme comme eux, mais qui, parce que n’étant pas astreint aux travaux des champs, était d’une nature autre, pourtant il vivait parmi eux, et sa vie quotidienne différait si peu de la leur, mais en même temps il leur apportait cette ouverture sur le monde qui les faisait rêver. C’était un habitant paradoxal non attaché à la terre et, pour cela, respecté. Un instituteur était alors un notable, non par l’argent comme le notaire ou le plus gros propriétaire de la commune, ni par la force immanente de la religion comme le curé ou l’évêque, cet espèce de souverain que personne ne voyait jamais, mais par le savoir et l’intelligence. Et pour ces paysans dont la plupart lisaient à peine et n’étaient capable que de tracer leur nom, il représentait l’esprit, l’intellect — un terme que bien sûr ils ignoraient — ce qui lui valait un respect à la fois révérencieux et proch

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