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Monsieur Roman
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18 avril 2012

L'écriture de Maurice Roman

Ce qui caractérise l’écriture de Maurice Roman, ce qui, pour moi, en fait tout l’intérêt, c’est qu’elle est inquiète, incertaine, s’interroge sans cesse sur elle-même. Il dit par exemple « C’est une grande prétention de croire que ma vie peut intéresser qui que ce soit d’autres. Je ne l’ignore pas mais, à l’âge que, en dépit des épreuves et des erreurs, j’ai fini par atteindre, j’éprouve le besoin de faire le point sur toutes ces années passées avec l’illusion naïve que mon expérience peut présenter quelque intérêt. Si nombreux sont ceux qui ont dit ça avant moi… Littérature… Je n’ai en effet plus à espérer que mes textes maladroits fonctionneront au moins dans ce domaine. » Maurice Roman doute ainsi toujours de lui-même n’avançant qu’en se demandant sans cesse en quoi sa vie peut intéresser quelqu’un d’autre que lui-même, espérant pourtant, avec une certaine ingénuité, que son récit particulier puisse atteindre à l’universel tout en se demandant cependant si cette notion même d’universel avait une réalité quelconque. Peut-être en approche-t-il pourtant, du moins et c’est aussi en partie en quoi il m’intéresse, en interrogeant sans cesse la notion de trajectoire au sein des jeux que le destin construit souvent avec les êtres et comment il s’en joue et comment ce que l'on imagine comme pouvant être la trajectoire de leur vie suit des parcours imprévisibles. Car il n’ignore pas, bien sûr, que la plupart des explications qu’il donne pour décrire le comportement de tel ou tel sont hasardeuses et que ses lecteurs auraient été capables de les imaginer eux-mêmes ou d’en trouver d’autres tout aussi plausibles. En ce sens, écrire pour lui c’est prendre des risques, faire des choix toujours contestables et fragiles ? Dès le début, il affirme ainsi que sa vie a été marquée par l’Histoire:

Maurice Roman est né le 31 décembre 1922. Un dimanche. Il a été baptisé Maurice. Son père se prénommait Lucien; Maurice était son frère aîné, mort à la bataille d’Artois en mai 1915 à l’âge de 21 ans. De cet oncle si important par le nom qu’il lui a légué, il ne saura pourtant rien, ou presque ne le connaissant que par quelques photos, quelques souvenirs indirects et un portrait que son père conserva toute sa vie et que Maurice Roman dit être encore quelque part dans son grenier. Tout, d’après lui conspirait ainsi pour marquer son destin de signes funestes, aussi ne veut-il pas parler de sa vie sans en expliquer l’origine, sans évoquer ce double parrainage de la vie et de la mort, de la présence si lourde de la guerre proche juste avant sa naissance. Car, si à la fin de la guerre son père demanda à être nommé dans un misérable village retiré de Lozère, c’est parce qu’il avait besoin de retrouver une certaine confiance en l’humanité, croire en quelque chose de positif.

Lorsque Lucien Roman vint à La Roche, il n’y avait presque plus aucun homme jeune dans les villages. La guerre avait fait son œuvre macabre. Habitués à subir et obéir, les jeunes paysans de Lozère avaient été massacrés en si grand nombre que des villages entiers n’étaient plus composés que de femmes, d’enfants et de vieillards. Nombre d’entre eux sont alors devenus des villages morts. Mais, même si ce village avait été lourdement éprouvé, ce n’était cependant pas tout à fait le cas de La Roche.

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