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Monsieur Roman
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25 mai 2013

un présent passé

Je ne me demande plus si je ne suis pas entrain d’inventer l’autobiographie de Maurice Roman, je l’invente. Mais je ne l’invente qu’à partir des fragments qu’il me fournit lui-même. J’aurais peut-être dû intituler ces écrits « Biographie de Maurice Roman » car c’est une tradition de la biographie que de combler les manques par l’invention de l’auteur. Seulement ma situation est un peu plus complexe : Maurice Roman est vivant, il lit ce que je publie et m’envoie de nouveaux fragments en n’ignorant rien de ce que je fais. Dans une certaine mesure, parce qu’il ne proteste ni ne s’oppose, il est complice. Et ce d’autant qu’il ne me facilité pas la tâche en me disant ce qu’il approuve ou ce qu’il désapprouve. C’est comme s’ils se désintéressait de l’usage que je peux faire de ses propres écrits, comme s’il les jetait au vent sans vouloir savoir où il tombe.
Par exemple, à des éléments de son passé comme : « Comment mon père aurait-il pu imaginer que cette situation scolaire conforme à ses principes éducatifs, si libre, si intelligente, si coopérative et égalitaire devait, plus tard, me poser de vrais problèmes et être à l’origine de ma vie plutôt aventureuse ? » où il semble faire allusion à la stratégie scolaire de son père qui l’aurait poussé à aller plus vite que ses condisciples, l’amenant à entrer en sixième avec presque deux ans d’avance sur sa classe d’âge, il entrelace sans cesse des réflexions ou des récits de son présent : «Je viens de terminer la lecture de "Les souterrains" de Jack Kerouac. Le battage fait autour du film "Sur la route" m'en avait donné envie. Je trouve ce livre un peu inférieur à Sur la route, mais tout de même intéressant, par la peinture d'un milieu que j'ai connu et surtout par l'urgence de l'écriture qu'il manifeste, écrire comme pisser ou déféquer ou vomir. » ou encore : « Depuis quelques temps je n'écris plus, je ne fais rien, rôde entre mes tas de livres d'une pièce à l'autre. Plus envie de rien, tout me paraît vain, inutile, surfait. Je n’ai plus d’appétence, de gourmandise pour les choses du monde. Bientôt je ne sortirai plus. Dépression météo, peut-être, il paraît que ça existe et qu'il me faut acheter une ampoule spéciale. Mais je ne me vois pas survivre comme un poussin en couveuse. Plus vraisemblablement l'âge, la solitude, la solitude, la solitude, l'âge, l'attente… Que vous importe. Je soliloque.»
Bien sûr sa vie est un tout et, dans son esprit, sa mémoire ne peut que s’entrelacer avec des sensations plus actuelles. Toute vies est un tout, sans cesse la mémoire est influencée par les moments vécus dans lesquels on la sollicite ; tel souvenir qui, à un moment de bonheur donné, se colore de ce bonheur paraissant plein de charme et de nostalgie, évoqué dans un moment de désarroi, prend une toute autre teinte et peut devenir douloureux. Il n’y a pas d’objectivité de l’esprit humain qui, ne fonctionnant que dans la fiction, recrée sans cesse ce qu’il examine. Les souvenirs de Maurice Roman, ces fragments dont il m’abreuve, sont des récits aussi imaginaires qu’il les ait ou non vécus. Peut-être est-ce d’ailleurs cela qu’il me signifie en ne réagissant à mes écrits que par l’envoi d’autres fragments souvent sans rapport apparent avec les textes produits. Présent et passé se racontent la même histoire : « Il fait chaud, trop chaud d'un seul coup. Une petite sieste puis en traînant dans mon accumulation de livres, je suis tombé sur "Le don de Humbolt" de Saül Below. Sur la page de garde, j'ai indiqué que j'avais acheté ce livre à Melun (pourquoi à Melun, qu'est-ce que j'y faisais ?) le 7 juin 1986. Il y a donc 46 ans et j'en avais 44… J'ai commencé à le parcourir et… décidé aussitôt de le lire. Cette biographie d'écrivain m'a accroché dès les premières lignes. »

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