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Monsieur Roman
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17 janvier 2013

du silence de la solitude

« Dans le silence épais qui m’entoure, je me parle. Dans ma solitude, je me parle… Comme, je le pense, la plupart des hommes je me suis toujours parlé ainsi. J’écoute les mots que je me dis, ces mots qui me disent et, me disant, me disent le monde, ces paroles, cette voix, qui m’occupent sans cesse, proférant des choses banales, souvent sans intérêt, répétitives mais parfois aussi, me semble-t-il, originales et dans cette éternelle conversation intime, me disent que je suis vivant, encore vivant et que c’est le langage qui me fait et me maintient, que la mort ne sera rien d’autre que l’invasion en moi du silence et qu’il me faut continuer à me parler pour essayer de le maintenir hors de moi. Le silence éternel des espaces infinis ne m’effraie pas, le silence éternel des espaces infinis m’indiffère, il est là, hors de moi. Il est… Ce qui me préoccupe, m’inquiète, m’effraie, ce sont les minuscules silences qui, peu à peu s’installent autour de moi, s’agglutinent, forment une coquille dans laquelle je me sens de plus en plus enfermé, silence de ma maison, silence des rues d’un village moribond, silence d’une campagne déserte, silence de mes nuits d’insomnie où, les yeux fixés sur les infimes lueurs qui proviennent de mes persiennes, je mesure à leurs minuscules variations le passage du temps, silence de mes amis morts les uns après les autres, de membres de ma famille de plus en plus lointains, silence social, silences… Et dans ma tête ?
Et pourtant je persiste, je regarde dans ma fenêtre la plaque de plomb du ciel n’y trouvent aucun des signes que j’espère, je regarde mes murs bibliothèques où je perds, peu à peu, l’envie d’aller chercher un volume, je regarde la flamme imprévisible des bûches dans ma cheminée, je regarde le plafond de mon bureau dont le blanc commence à grisonner dessinant d’étranges formes de nuages, je ferme les yeux regardant les imperceptibles mouvements du noir sur mes paupières, je m’arrête… et je retourne tapoter dans Facebook, des messages qui n’intéressent — un peu — que moi. Dans mes moments de doute, à la limite de la dépression, quand la météorologie me condamne à l’enfermement dans l’îlot qu’est ma maison, dans l’île qu’est Montolieu, me restent mes disques et mes souvenirs de musique comme ces Offrandes (1921) de Varese, qui, bien sûr n’était pas dans la discothèque de mon père mais que j’ai découvertes bien longtemps après dans un éblouissement presque aussi absolu que celui que j’ai eu, à 15 ans, de découvrir le Pierreot Lunaire de Schönberg (1912), tous deux datant d’avant ma naissance C’est ainsi que, les chansons, n’importe quelle chanson ancienne du temps où je vivais, sont comme ultime moyen de masquer le silence ; c’est ainsi que je me repasse sans cesse, sur le vieux gramophone familial à manivelle, les disques usés, pleins de geignements et de grattements que mon père, et moi après lui, avons accumulés comme notre unique et dérisoire trésor familial.
Pourquoi donc ce besoin de m'exprimer sur Facebook alors que je n'ignore rien de l'inutilité des paroles. Chacun de nous est une île déserte et les bouteilles que nous jetons à la mer dans l'espoir qu'elles atteignent quelqu'un finissent, bien souvent, emportées par les courants dominants dans l'immense continent de déchets plastique de l'Atlantique Nord. »

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